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sous le signe du cancer
8 mai 2015

CANCER ET PRENDRE LA VIE AUTREMENT (1ère partie)

 

 

PLANS    POUR   VIVRE  AUTREMENT

 

 L’ETRE   DIT « LIBRE » EST   CELUI   QUI   PEUT   REALISER  SES PROJETS

 

                            Jean Paul Sartre :  L’ être et le néant

                                                                                       UN PLAN POUR VIVRE

 

     Depuis des jours et des jours, elle éprouvait de grandes difficultés à monter les escaliers. Au bout de trois ou quatre marches, elle sentait son cœur se décrocher dans sa poitrine. Elle avait besoin de reprendre haleine. Elle, qui gravissait, autrefois, allègrement, les pentes, ne pouvait ni marcher vite, ni gravir une quelconque montée. Elle avait méprisé son corps et il se vengeait en l’empêchant de vivre comme avant.

       Elle vivait à cent à l’heure, toujours, en comptabilisant son temps : menant deux activités en parallèle (regarder la télévision ou plutôt l’écouter tout en rangeant sa maison, par exemple). Son optique était d’accumuler le plus possible d’argent pour pouvoir partir à la retraite au plus tôt. Elle conservait des livres pour lire quand elle aurait le temps. Elle envisageait déjà ses journées futures passées à visiter les musées, parcourir les expositions, plonger à corps perdu dans ce Paris magique dont la vie active ne lui avait pas permis de sonder tous les mystères. Dans le dédale des rues, un passage inconnu ou un monument remarquable lui mettait les sens en éveil mais elle réservait leur exploration à plus tard. Sa curiosité aiguisée s’assouvirait, enfin, dans cette bienheureuse frange qui couronnerait sa vie active. Posée comme une île dans l’océan de ses aspirations, la retraite tant attendue, tant espérée serait, bientôt,  au bout de sa quête. Aussi, sacrifiait-elle ses moindres instants de liberté pour suivre le plan qu’elle s’était fixée : partir à la retraite au plus tôt pour pouvoir enfin être libre d’agir à sa guise. Même si elle était libraire et vivait entourée de livres, elle n’avait jamais le temps de lire en entier tous ces ouvrages que pourtant elle devait conseiller à ses clients. Souvent elle était obligée de lire des critiques et de les reformuler, simplement. Elle se faisait à l’idée que pour un temps elle répétait les propos des autres sans ajouter ses opinions personnelles. Elle devait tout gérer : elle passait des heures à rechercher une erreur d’un centime pour la comptabilité. Elle s’angoissait pour le remboursement de ses dettes. Son plan de carrière ne lui donnait pas satisfaction et elle attendait désespérément le moment de ne plus travailler. 

        Elle se sentit si fatiguée par la suite qu’elle consulta un médecin. Le verdict tomba comme un couperet : elle avait un cancer très grave. Ses jours étaient comptés :elle devait s’économiser. Quand elle entendit les paroles froides et sans aménité du médecin (comme s’il énonçait un cas médical parmi tant d’autres),  la terre vacilla sous ses pieds. Une note sinistre résonnait comme le signe avant coureur du malheur. Une angoisse s’empara de tout son être : elle qui se projetait toujours dans la vie à venir, elle devait s’attendre à ne plus avoir d’avenir. Elle revit d’un seul coup sa vie ratée. Elle avait échoué sur tous les plans : un divorce malheureux, une histoire d’amour sans lendemain. La violence conjugale subie par ces deux hommes l’avait poussé à fuir, ensuite, tous les hommes. Elle vivait solitaire sans famille, ayant quelques copines et non de véritables amies. Mais avant le diagnostic tragique, sa vie lui semblait si longue, qu’elle était sûre de prendre sa revanche sur les malheurs de son existence. Mais, maintenant, tous ses plans sur la comète volaient en éclat. Plus qu’une seule chose ne comptait : SA VIE : sauver sa peau, vivre même en ne sortant plus de chez elle. Vivre, même, une vie végétative bornée aux sensations les plus élémentaires : « dormir », « manger », « sentir », « voir ». Tout, plutôt que la nuit d’envie, elle considérait les SDF qui, même dans le dénuement jouissaient de la caresse du soleil.

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