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sous le signe du cancer
19 avril 2017

PARIS, remèdes aux maux du corps et du coeur

Au coeur de Paris

 

 

1

 

Saint Michel, premier métro.

Aux premières heures de la matinée, Emilie est descendue à la station Cité, en changeant à Saint Michel pour contempler encore une fois la beauté de la Seine et revoir encore et toujours Notre Dame de Paris ! Chaque fois qu’elle se trouve près de l’île de la Cité, son coeur se serre, ému par la beauté de ce quartier. Ici l’art, la nature, l’histoire se donnent rendez vous depuis des siècles et pour des siècles ! Et Paris porte bien son nom de Ville lumière, elle voudrait rester des heures à contempler jusqu’à devenir une partie du paysage, absorbant cette douceur de vivre qui y règne.

Parisienne par amour et par choix, elle sait qu’elle pourra retrouver dans ce Paris qu’elle aime et qui lui manque tant, quand elle en est séparée, l’apaisement, l’espoir que son cancer va guérir. Elle en est persuadée : les feuilles vert tendre des arbres, l’eau miroitante du fleuve, la tranquillité des quais dépourvus des touristes, des passants, des habitants le lui répètent ! Dans cette contemplation de la beauté, Emilie retrouve le goût de vivre: « la vie est là, calme et tranquille ». Instantanément, ses yeux se dirigent vers Notre Dame de Paris si belle dans sa pierre blanche, majestueuse pour l’éternité ; elle attend l’ouverture des portes pour rentrer dans l’édifice. Avant, elle s’arrêtera sur l’étoile qui marque le départ de toutes les routes de la France et son regard se promènera sur les sculptures des porches : avec son Christ panthécrator qui siège en haut du jugement dernier, et c’est une émotion à nulle autre pareille de se souvenir des vers de Villon qui expliquait que sa mère illettrée apprenait le cathéchisme devant le portail de la cathédrale. Cathédrale, union des hommes sens premier de la religion qui relie les fidèles, message d’amour et la peur de la mort sera t elle conjurée par la foi, foi si grande qui, sur plusieurs siècles, a fait élever le monument, comme un soleil resplendissant au beau milieu du coeur de Paris ? Véritable Bible du pauvre, Notre Dame montre le jugement dernier qui peut angoisser avec sa balance qui sépare les damnés avalés par l’enfer des élus qui ressucitent en sortant de leur tombeau et Emilie pense que Paris, c’est bien le Paradis avec deux lettres en mois « A D » !

Et Mankel qui écrivait dans Sable mouvant « La peur est bien plus que la terreur primitive de mourir (…) nous avons la conscience d’être mortels (…) toute notre vie, nous cherchons à accroître nos connaissances, notre savoir, notre expérience. Mais en définitive, tout sera perdu et réduit à néant » avait tort ! Non, la Beauté, les connaissances, nous aident à vivre et même ceux qui ne croient pas peuvent sentir qu’il y a une immortalité dans ces édifices de pierre et les bâtisseurs des cathédrales même anonymes ne restent-ils pas vivants ? Les marques des différents corps de métier sur les colonnes témoignent clairement que l’âme des pierres et des hommes se confondent, s’interpènétrent comme si le temps les réunissait pour toujours dans l’ au-delà !

Les portes de la cathédrale sont ouvertes. En entrant dans la douce pénombre ponctuée de la lumière vacillante des cierges, Emilie se dirige directement vers la rosace nord : comme à un rendez vous d’amour, elle sait d’avance que la beauté des couleurs : le bleu irréalisable avec tous les moyens technologiques de notre époque : car le lapis lazzuli n’est plus employé, va encore une fois l’émouvoir dans le scintillement des couleurs, elle distingue la ronde des prophètes de l’Ancien Testament et la Vierge à l’enfant au milieu de la rose : image de renaissance et symbole du Nouveau Testament. Tant de personnes célèbres ont hanté le monument comme Claudel qui s’y est converti comme une inscription sur un pillier proche du choeur le rappelle !

 

2

 

Dans cette carte du Tendre, suivant ses préférences pour les monuments parisiens, si Notre Dame de Paris occupe la première place, dans l’Ile de la Cité, la Sainte Chapelle vient après et provoque en elle un éblouissement ! Ces vitraux si hauts si lumineux qui semblent tenir par magie tous dans un élan vers le ciel, vers Dieu, hommage éternel d’un Saint Louis envers une relique sacrée : la couronne d’épine duChrist ! Quelle émotion de contempler ses vitraux qui semblent tenir dans le vide tant la paroi de pierre est étroite entre eux ! Elle voudrait éterniser ce moment où la lumière éclaire les couleurs chatoyantes de ces vitraux dont elle se plaît à détailler les scènes de l’Ancien testament, avec les prophètes, le Nouveau Testament et la Rosace de l’Apocalypse selon Saint Jean. Miracle de beauté mais aussi de foi car c’est pour une relique « la couronne d’épine » que Saint Louis fit édifier ce joyau de pierres ! Ce qui la séduit, c’est le sentiment d’éternité, d’immuabilité, de perfection et elle rêve d’habiter un jour ce quartier pour pouvoir aller contempler dès le matin, ces chefs d’oeuvre d’architecture ! Le chevet de Notre Dame qui tel une proue de navire avance sur la Seine et elle pense au syndrome de Stendhal : l’évanouissement peut être causée par la beauté de l’Art. Emilie voudrait savoir bien écrire pour célébrer la beauté par les mots qui chantent pour exprimer la perfection. Pour elle, la beauté, l’art peuvent guérir aussi bien que des remèdes traditionnels.

Sans s’en rendre compte, Emilie recherche dans ce Paris qu’elle aime tant le souvenir de son premier amour qui l’a abandonnée ! De cette aventure, sans lendemain, elle a gardé fiché au coeur la passion pour la ville belle mais aussi mystérieuse avec ses ruelles étroites au nom délicieusement suranné « rue des Prouvaires », « rue des Changeurs », « rue de l’Arbre sec », «rue Chanoinesse »,… Avec ces expressions remontant au Moyen Age, Paris s’inscrit dans l’histoire, la plus ancienne. Parallèlement à sa quête des origines de Paris, Emilie retrouve ses souvenirs d’un bonheur passé, souvenirs qui ne lui sont maintenant que des rides de l’âme car, à l’automne de sa vie, ses illusions de vie à deux sont bien mortes. Mais, à chaque pas, ces rues du centre de Paris lui impriment une nostalgie qu’elle ne cherche plus à combattre.

Particulièrement, dans le sixième arrondissement, la rue du Cherche Midi ou dans le cinquième arrondissement, celle du Chat qui pêche l’interpellent. Elle se souvient ce Jean Marc, qu’elle avait aimé, résidait dans la rue du Dragon, une rue en pente qui dévale vers la rue de Sèvres. Dans le quartier, les hôtels particuliers ont été lotis en appartements et elle repense au pincement au coeur qui la saisissait quand elle franchissait la porte cochère pour rentrer dans cette cour pavée. Elle gravissait un escalier sombre et à chaque marche, elle était obligée de s’arrêter, trop émue. Elle était amoureuse mais elle ne voulait pas le lui avouer ! Il n’était pas libre. Donc, elle se contentait de glaner les bribes du bonheur éphémère de ses visites, pour une fois rentrée chez elle, s’en repaître jusqu’à satiété. Le moindre des regards échangés lui semblait de bon augure : il allait se déclarer ! Mais, un jour, il la rejeta avec colère parce qu’il avait compris que malgré l’ indifférence qu’il lui témoignait obstensiblement, elle était trop attachée à lui pour cesser de le voir d’elle même.

Maintenant, sur le pont des Arts, Emilie contemple la Seine dont le cours se divise pour ceindre amoureusement l’Île de la Cité : elle se remémore cette citation d’Aragon : « La ville comme un coeur s’y ouvre à deux battants » Mais, il faut cesser de rêver devant ce panorama charmant pour rentrer chez elle. Or, parmi les passants, les touristes, Emilie remarque un homme dont la silhouette lui rappelle ce Jean Marc et elle lui emboite le pas. Et si c’était lui ? Des milliers de gens se côtoient dans la capitale : pourquoi le hasard ne les remettrait-il pas en présence ? Elle l’admire de dos : il est resté toujours aussi jeune, d’allure sportive. Tout d’un coup, il tourne la tête et elle reconnaît son profil ! C’est lui : elle en est sûre ! Alors, elle continue à le suivre derrière l’Institut de France, lumineux dans

 

3

 

 

cette fin d’après midi d’été. Elle préfère l’ombre des façades de la rue Mazarine pour éviter d’être reconnue. Elle dépasse le Café Procope, rue de la Comédie, toujours à la poursuite de celui qu’elle a aimé, il y a des années lumière ! Mais, il se dirige vers Saint Germain des Près et devant Les Deux Magots, il bifurque. Palpitante, Emilie le voit dans la rue du Dragon puis vers la porte cochère ; osera t elle l’intercepter ?

Non ! Elle reste sur le trottoir d’en face trop honteuse de montrer après des années que ses sentiments n’ont rien perdu de leur brillant. Elle se réconforte en se disant qu’elle aura le temps de lire les noms sur les boîtes aux lettres. Justement, elle aperçoit dans la cour, une femme au visage revêche qui l’observe : peut être la concierge ? Elle se dirige tête basse vers cette inconnue :

- Bonsoir, pardon, Monsieur X habite bien toujours ici ?

- Oui, Troisième étage, bâtiment C

Emilie se sent inondée d’une vague de joie. Mais, elle n’ose pas frapper à sa porte. Alors, elle attend sous la voûte protectrice de la porte cochère. L’ombre descend lentement, avalant petit à petit des pans de la cour et dans le crépuscule qui s’étend, Emilie sent plus durement sa solitude. Déjà, des lampes allumées lui révèlent assez que d’autres sont réunis en famille pendant qu’elle scrute désespérément la fenêtre du troisième étage, sertie de lumière, promesse d’un bonheur encore possible.

Tout à coup, Emilie se décide et appuie sur le bouton du digicode, en face du nom aimé : une voix jeune lui répond :

- Bonsoir, qui demandez vous ?

- Monsieur Jean Marc X

- Oui, mais il n’est plus là !

- Il n’habite plus, ici ? Interroge Emilie, d’une voix tremblante

- Non, il est décédé d’un cancer, il y a deux ans : je suis son fils ! Mais qui êtes vous ?

Emilie étouffe un sanglot :

- Sans importance !

 

Le crabe a dévoré celui qu’elle avait le plus aimé. C’était bien assez qu’elle soit atteinte elle même par ce monstre insatiable qui détruit tout même les souvenirs. Son coeur lui semble se grignoter intérieurement, la laissant essoufflée, pantelante. Lasse, triste à mourir, Emilie part, laissant là toute son espérance. Son amour impossible est bien mort. Toutefois, elle songe qu’elle sera encouragée, par son exemple pour suivre la même route que lui : le combat contre la maladie. De plus, elle espère en un au-delà où les âmes se retrouvent ! Et si ce n’était pas possible, elle aurait toujours Paris, Paris qui offre mille lieux, comme autant de liens frêles et douloureux qui attachent les êtres même quand ils sont séparés pour toujours. Elle sait d’avance qu’elle reviendra dans cette rue du Dragon, pour redonner la parole à la voix aimée qui s’est tu pour toujours mais dont elle entend encore la musique dans son esprit.

Et, dans la nuit de son âme comme dans la noirceur qui recouvre la Seine, Emilie suit le chemin tracé par les lampadaires, les phares des voitures, des bâteaux mouches, la lumière qui la ramène face à Notre Dame de Paris.
Saint Michel, dernier métro.

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